Le style de l’acte offre un contrepoint parfait aux particularités graphiques. Il est en effet composé dans un latin fluide et clair, sans aucun ornement littéraire. La finalité du document exclut toute invocation, tout préambule, et jusqu’au moindre exposé. Tous les mots sont pesés. Le ton, martelé par la réitération des verbes de commandement (precipio... et prohibeo... preterea do... et confirmo...), est cassant. Les formulations se retrouvent d’ailleurs à l’identique, sans souci de variété, d’un acte à l’autre, à un haut degré de stéréotype, très loin, déjà , des déploiements rhétoriques de l’acte capétien, qui sera tenté, un temps, par ce style très « administratif ».
Le document présente, au plan de la stricte technique diplomatique, les caractéristiques les plus typiques des « chartes » (catégorie supérieure en solennité), et plus largement des actes de la chancellerie anglo-normande, dont la production est déjà abondante et normée : l’autodésignation de l’acte par un terme précis, ici carta (l. 6) ; l’utilisation par le roi de la première personne du singulier (le « nous » de majesté n’est introduit que sous Richard Cœur-de-Lion) ; l’adresse collective formée d’une énumération plus ou moins longue de destinataires (au moins potentiels), nettement distincts du bénéficiaire ; La formule d’adresse collective est caractéristique des chartes royales anglaises, et dans son essence, et dans son adaptation au ressort concerné (ici la Normandie). Elle désigne ici en premier lieu l’archevêque de Rouen, dont la province couvre l’ensemble du duché, et qui est considéré comme le garant naturel des actes émis par les rois d’Angleterre comme ducs de Normandie. Le parallèle est fait ensuite avec la hiérarchie laïque, celle de tous les « barons de Normandie », premier relais du pouvoir royal-ducal. l’absence de date de temps, qui ne s’introduit que sous Richard Cœur-de-Lion. De fait, c’est surtout grâce à l’étude serrée de la liste de témoins, le cas échéant des formules de suscription et de la date de lieu, rapprochée de l’itinéraire royal, qu’il est possible de donner une estimation de date de temps, dans une fourchette plus ou moins large — l’une des raisons d’ailleurs de l’intérêt précoce des érudits et historiens anglais pour la prosopographie des élites anglo-normandes.
Voyons dans ce cas précis comment procéder. Henri II reste seul en lice (contre Henri Ier, 1100-1135, ou Henri III, 1216-1272) du fait de sa titulature très typée (accessoirement, on peut invoquer l’écriture ; le sceau, ici perdu ; des allusions faites dans le texte, ici à un aïeul Henri — mais elle vaudrait aussi pour Henri III...). Le titre de “rex Anglorum” restreint ensuite (légèrement) la fourchette à la période 1154-1189. L’adoption de la formule de dévotion “Dei gratia” (ici absente) remonterait, d’après les spécialistes, à 1172, ce qui donne un terminus ad quem fort précieux.
Ces constatations qui font opter pour une fourchette [1154-1172] peuvent être recoupées et affinées par l’étude des témoins. On sait en particulier que Rotrou de Warwick est archevêque de Rouen de 1164/1165 à novembre 1183 et qu’Hamelin de Warren est comte à partir de 1164. On sait enfin qu’Henri II était en Angleterre en 1164 et n’est revenu en France qu’en 1165. En somme, l’acte ne peut être antérieur à 1165. Aucun autre indice n’est en l’état actuel des connaissances disponible pour resserrer la fourchette [1165-1172].
La présence de l’acte à Paris s’explique par le fait que la Bibliothèque nationale a reçu une collection de 141 pièces tirées du chartrier de Saint-Père de Chartres sous la Révolution ou l’Empire, sans doute en 1796, en application des mesures visant à réunir à Paris les actes intéressant l’histoire de France, et en particulier issus des chartriers ecclésiastiques nationalisés. Cette collection a aussi gardé la charte d’Henri Ier implicitement visée dans celle d’Henri II, et datable de [1130-1135].
Le style de l’acte offre un contrepoint parfait aux particularités graphiques. Il est en effet composé dans un latin fluide et clair, sans aucun ornement littéraire. La finalité du document exclut toute invocation, tout préambule, et jusqu’au moindre exposé. Tous les mots sont pesés. Le ton, martelé par la réitération des verbes de commandement (precipio... et prohibeo... preterea do... et confirmo...), est cassant. Les formulations se retrouvent d’ailleurs à l’identique, sans souci de variété, d’un acte à l’autre, à un haut degré de stéréotype, très loin, déjà , des déploiements rhétoriques de l’acte capétien, qui sera tenté, un temps, par ce style très « administratif ».
Le document présente, au plan de la stricte technique diplomatique, les caractéristiques les plus typiques des « chartes » (catégorie supérieure en solennité), et plus largement des actes de la chancellerie anglo-normande, dont la production est déjà abondante et normée : l’autodésignation de l’acte par un terme précis, ici carta (l. 6) ; l’utilisation par le roi de la première personne du singulier (le « nous » de majesté n’est introduit que sous Richard Cœur-de-Lion) ; l’adresse collective formée d’une énumération plus ou moins longue de destinataires (au moins potentiels), nettement distincts du bénéficiaire ; La formule d’adresse collective est caractéristique des chartes royales anglaises, et dans son essence, et dans son adaptation au ressort concerné (ici la Normandie). Elle désigne ici en premier lieu l’archevêque de Rouen, dont la province couvre l’ensemble du duché, et qui est considéré comme le garant naturel des actes émis par les rois d’Angleterre comme ducs de Normandie. Le parallèle est fait ensuite avec la hiérarchie laïque, celle de tous les « barons de Normandie », premier relais du pouvoir royal-ducal. l’absence de date de temps, qui ne s’introduit que sous Richard Cœur-de-Lion. De fait, c’est surtout grâce à l’étude serrée de la liste de témoins, le cas échéant des formules de suscription et de la date de lieu, rapprochée de l’itinéraire royal, qu’il est possible de donner une estimation de date de temps, dans une fourchette plus ou moins large — l’une des raisons d’ailleurs de l’intérêt précoce des érudits et historiens anglais pour la prosopographie des élites anglo-normandes.
Voyons dans ce cas précis comment procéder. Henri II reste seul en lice (contre Henri Ier, 1100-1135, ou Henri III, 1216-1272) du fait de sa titulature très typée (accessoirement, on peut invoquer l’écriture ; le sceau, ici perdu ; des allusions faites dans le texte, ici à un aïeul Henri — mais elle vaudrait aussi pour Henri III...). Le titre de “rex Anglorum” restreint ensuite (légèrement) la fourchette à la période 1154-1189. L’adoption de la formule de dévotion “Dei gratia” (ici absente) remonterait, d’après les spécialistes, à 1172, ce qui donne un terminus ad quem fort précieux.
Ces constatations qui font opter pour une fourchette [1154-1172] peuvent être recoupées et affinées par l’étude des témoins. On sait en particulier que Rotrou de Warwick est archevêque de Rouen de 1164/1165 à novembre 1183 et qu’Hamelin de Warren est comte à partir de 1164. On sait enfin qu’Henri II était en Angleterre en 1164 et n’est revenu en France qu’en 1165. En somme, l’acte ne peut être antérieur à 1165. Aucun autre indice n’est en l’état actuel des connaissances disponible pour resserrer la fourchette [1165-1172].
La présence de l’acte à Paris s’explique par le fait que la Bibliothèque nationale a reçu une collection de 141 pièces tirées du chartrier de Saint-Père de Chartres sous la Révolution ou l’Empire, sans doute en 1796, en application des mesures visant à réunir à Paris les actes intéressant l’histoire de France, et en particulier issus des chartriers ecclésiastiques nationalisés. Cette collection a aussi gardé la charte d’Henri Ier implicitement visée dans celle d’Henri II, et datable de [1130-1135].