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1293, 22 mai. Londres. Acte sous sceau personnel (Guyenne-Angleterre)
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Dossier 84
  1. Commentaire diplomatique

Essai

La graphie et la mise en page sont soignées et régulières. La justification est bien respectée, mais des mots sont coupés à cinq reprises au saut de ligne. On observe une certaine fantaisie et des variations dans la forme de certaines lettres : la haste des b (bons, l. 3 ; bosoignes, l. 4), j (jeo, l. 1 ; jour, l. 6), k (ke, l. 1 ; Blank, l. 2), l (lettre, l. 1 ; leaus, l. 3) est bifide ; les a (Sanx, l. 1) sont hypertrophiés, les r minuscules (poer, l. 14) se prolongent sous la ligne par une hampe généralement bouclée. Mais l’ornementation se limite en début d’acte à un s initial un peu plus développé que les autres lettres. Ces caractères se retrouvent dans la plupart des actes anglais de la fin du XIIIe siècle ; l’épaisseur des graisses en est une spécificité très nette.

L’extrême simplicité des moyens d’authentification (sans doute le sceau personnel de Sans du Mirail, dont la légende mutilée a été lue en 1872 par Paul Raymond : « …ERE CAVTT… ») ne détonne pas avec la sobriété de la mise en page.

L’acte est rédigé non en gascon, comme les marchands de Guyenne y sont alors habitués, mais en français ; des formes comme ove (l. 15 et 18) et plus encore jeo (l. 1, pour « je ») dénoncent, avec l’écriture, un rédacteur anglais, pratiquant un français insulaire, dérivé de l’anglo-normand et qui demeure fermement implanté dans le domaine juridique et diplomatique, malgré la pression du moyen anglais.

L’historien, parfois intrigué par le sens d’un mot ou l’exotisme d’une graphie, doit se déprendre de l’impression de maladresse ; l’acte est en effet fonctionnel et parfaitement rôdé au plan juridique. Une reconnaissance de dette, brève et circonstanciée, est faite au créancier ou « au porteur de le lettre » (on envisage donc comme courante la cession de la créance). Elle est suivie de plusieurs clauses : clause de promesse (le débiteur s’engage à rembourser mais aussi à indemniser en cas de retard) ; clause de garantie (constituée sur les personnes et le patrimoine) ; clause accordant au créancier d’être cru sur parole quant au montant de l’indemnité ; mention du serment qui a accompagné la reconnaissance. La machine est non moins rôdée au plan diplomatique, l’Angleterre ignorant presque le notariat et pratiquant peu l’acte de juridiction gracieuse, mais recourant encore très volontiers au sceau personnel, quand bien même l’écriture de l’acte est entièrement médiatisée par un écrivain professionnel (scrivener), totalement transparent à nos yeux, puisqu’il ne se nomme jamais.

L’acte a été intégré au chartrier d’une branche de la famille d’Albret, les Albret de Langoiran, mais il lui a été transmis par le truchement des archives d’une importante famille de la bourgeoisie bordelaise des XIIIe-XIVe siècles, les Calhau, qui, directement ou indirectement, auront recueilli le parchemin en même temps que la créance.