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1407, 11 août. Acte de procureur d'abbaye
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Dossier 91
  1. Commentaire diplomatique

Essai

L’examen des caractères externes et internes montre à la fois une certaine rapidité et un souci de précision et d’efficacité. Les dimensions sont modestes, les interlignes faibles, mais la justification est rigoureuse et les marges importantes en haut, en bas et à gauche. Il y a un certain nombre d’abréviations mais toutes les formules sont entières, ce qui reflète la qualité d’original mis en forme. L’écriture est assez soignée ; comme la forme de la signature, elle dénonce l’influence plus ou moins immédiate des productions de la chancellerie royale.

L’acte est expéditif, rodé, précis dans la formulation de l’action juridique. Le texte est imprégné des solutions et formules standard de la juridiction gracieuse, dans une rédaction allégée. L’acte ne s’ouvre pas aussitôt sur la déclinaison de l’identité de l’auteur, dont l’autorité est pourtant lourdement indiquée, en début d’acte par ses titres, sur plus d’une ligne, puis, à l’opposé, par une double validation, signature et sceau. Il commence en effet par une notification impersonnelle, « Saichent tuit ». Le procès-verbal se déroule ensuite dans toute sa sécheresse, ouvert par la formule clef « par devant moi… fut present ».

L’exposé fournit ensuite les renseignements nécessaires sur les acteurs de la transaction, deux couples (Henri Legrant et sa femme Jeanne représentés par leur procureur Huguelin Brisebarbe, et Jean du Vivier et sa femme Jacqueline), dont les droits entiers à percevoir et transmettre une rente sont assortis d’un assentiment et d’une investiture, contre paiement, à obtenir du propriétaire éminent de la censive où se trouve la maison supportant la rente (situation qui obère l’immeuble et explique le contrôle et la demande de dédommagement par le seigneur censuel, ici une abbaye non parisienne).

La langue est précise, sans fioriture, l’appareil formulaire efficace ; tout le texte est innervé par les productions mises au point depuis deux siècles par les juridictions gracieuses épiscopales et princières, comme le « brevet » (un acte du Châtelet aux formes simplifiées) auquel il est fait référence dans une formulation inspirée de son côté des lettres d’attache de l’administration royale (« parmi lequel ces presentes sont annexees », c’est-à-dire « auquel les présentes sont attachées », pour ne plus constituer qu’un dossier matériel, le présent acte concluant et autorisant l’acte de vente ; nous ne nous expliquons pas par contre la nature exacte de la correction portée avant le mot « brevet », le mot « ou » récrit et le trait qui le suit recouvrant peut-être un grattage et masquant une reprise purement formelle).

Le tout, qui eût pu être notifié soit par l’abbé, soit par une juridiction gracieuse, l’est, dans des formes un peu bâtardes pour nos classifications trop simplistes, par un acte qui emprunte à la juridiction gracieuses son formulaire, mais qui ne procède pas d’une cour de justice, aussi modeste soit-elle, et n’a pas son sceau impersonnel ; et encore, par un acte qui exhibe une signature et un sceau personnels mais qui est bien plus qu’un acte de particulier, puisque l’auteur, procureur de l’abbaye, agit ex officio et avec une autorité suffisante aux yeux des parties. Belle occasion de pressentir toute la souplesse et la variété conservées par les mécanismes de production et de réception de l’acte médiéval, après des siècles de normalisation et de créativité.