Introduction des cours Dossiers documentaires Bibliographies
Milieu du XIIe siècle. Le Didascalicon d’Hugues de Saint-Victor
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Texte original Traduction

De tribus generibus lectorum.
Satis ut puto aperte demonstratum est
provectis et aliquid amplius de se promittentibus
non idem esse propositum cum incipientibus.
Sed sicut illis aliquid licite conceditur,
quod isti sine culpa minime agere possunt,
ita eciam ab istis aliquid requiri
Quo illi nondum obligati sunt.
Nunc igitur ad promissa solvenda redeo
ut videlicet ostendam qualiter eis divina scriptura legenda sit,
qui adhuc in ea solam querunt scientiam.
Sunt nonnulli qui divine scripture scientiam appetunt,
ut vel divitias congregent, vel honores obtineant,
vel famam adquirant,
quorum intentio quantum perversa, tantum est miseranda
Sunt rursus alii
quos audire verba Dei et opera ejus discere delectat,
non quia salutifera, sed quia mirabilia sunt.
Scrutari archana et inaudita cognoscere volunt,
multa scire et nil facere.
In vanum mirantur potentiam, qui non amant misericordiam.
Hos ergo quid aliud agere dicam
quam preconia divina in fabulas commutare ?
Sic theatralibus ludis, sic scenicis carminibus intedere solemus,
ut scilicet auditum pascamus, non animum.
Hujusmodi tamen non tam confundi
quam adjuvari oportet censeo,
quorum voluntas non utique maligna est,
sed improvida.
Alii vero idcirco sacram scripturam legunt
ut secundum Apostoli preceptum
parati sint omni poscenti reddere rationem
de ea fide in qua positi sunt
,
ut videlicet inimicos veritatis fortiter destruant,
minus eruditos doceant,
ipsi perfectius viam veritatis agnoscant
et altius Dei secreta intelligentes
artius ament,
quorum nimirum devotio laudanda est et imitatione digna.
Tria igitur sunt genera hominum sacram scripturam legentium
quorum primi quidem miserandi sunt,
secundi juvandi, tercii laudandi.
Nos vero quia omnibus consulere intendimus,
quod bonum est in omnibus augeri cupimus
et quod perversum commutari.
Omnes intelligere volumus quod dicimus,
omnes facere quod hortamur.

Liber sextus. Quomodo legenda sit scriptura sacra
querentibus scientiam in ea.
Duo tibi lector, ordinem scilicet et modum, propono,
que, si diligenter inspexeris,
facile tibi iter legendi patebit.
In horum vero consideratione,
nec omnia tuo ingenio relinquam,
neque per meam diligentiam satis tibi fieri promitto,
sed sic quedam breviter prelibando transcurram
ut et posita aliqua quibus erudiaris
et aliqua pretermissa quibus exercearis invenias.
Ordinem legendi supra quadrifarium esse commemoravi,
aliud in disciplinis , alium in libris,
alium in narratione atque alium in expositione,
Que qualiter in divina scriptura assignanda sint
nondum ostendi.


De ordine qui est in disciplinis.
Primum ergo hunc ordinem qui queritur in disciplinis
inter hystoriam, allegoriam, tropologiam,
divinum lectorem considerare oportet,
que horum alia ordine legendi precedant,
in quo illud ad memoriam revocare non inutile est
quod in edificiis fieri conspicitur,
ubi primum quidem fundamentum ponitur,
dehinc fabrica super edificatur,
ad ultimum consummato opere
domus colore super ducto vestitur.


De hystoria. Sic nimirum in doctrina fieri oportet
ut videlicet prius historiam discas
et rerum gestarum veritatem a principio repetens usque ad finem
quid gestum sit, quando gestum sit,
ubi gestum sit, et a quibus gestum sit,
diligenter memorie commendes.
Hec enim quatuor precipue in hystoria requirenda sunt :
persona, negocium, tempus et locus.
Neque ego te perfecte subtilem posse fieri puto in allegoria,
nisi prius fundatus fueris in hystoria.
Noli contempnere minima hec.
Paulatim defluit qui minima contempnit.
Si primo alfabetum discere contempsisses,
nunc inter grammaticos tantum nomen non haberes.

Les trois genres de lecteurs.
Il a été assez clairement montré, à mon avis,
que les avancés et ceux qui se promettent davantage d’eux-mêmes
n’ont pas le même dessein que les commençants.
Mais de même qu’on concède à ces derniers
ce que les premiers ne pourraient accomplir sans faute,
de même il leur est demandé
ce à quoi les débutants ne sont pas encore tenus.
J’en viens donc maintenant à tenir mes promesses,
à savoir montrer comment doivent lire l’Écriture sainte
ceux qui ne cherchent encore en elle que la science.
Il y en a qui recherchent la science de l’Écriture sainte
pour amasser des richesses, obtenir des honneurs,
ou acquérir une bonne renommée.
Leur intention est autant à plaindre qu’à blâmer.
Il y en a d’autres aussi
qui se plaisent Ă  entendre les paroles de Dieu et Ă  apprendre ses Ĺ“uvres,
non parce qu’elles sont salutaires, mais parce qu’elles sont admirables.
Ils veulent scruter les arcanes et connaître les choses inouïes,
beaucoup savoir et ne rien faire.
C’est en vain qu’ils admirent la puissance ceux qui n’aiment pas la miséricorde.
Que font-ils d’autre, je vous le demande,
Ă  part changer les louanges divines en fables ?
C’est ainsi que nous avons l’habitude de nous attacher aux pièces de théâtres et aux poèmes faits pour la scène afin de nous nourrir l’oreille, non l’esprit.
Je pense cependant qu’il ne faut pas tant réprouver ces hommes
que les aider,
puisque leur volonté n’est pas mauvaise,
mais mal conseillée.
D’autres, pour leur part, lisent l’Écriture sainte
afin que, selon le précepte apostolique,
ils soient prĂŞts Ă  rendre raison Ă  tout homme qui le demande
de la foi oĂą ils sont Ă©tablis
,
de sorte qu’ils détruisent avec courage les ennemis de la vérité,
qu’ils instruisent les moins savants,
qu’ils connaissent eux-mêmes plus parfaitement le chemin de la vérité
et que comprenant plus profondément les secrets divins,
ils les aiment plus Ă©troitement.
Leur piété est très louable et digne d’imitation.
Il y a donc trois sortes d’hommes qui lisent l’Écriture sainte :
Les premiers sont Ă  plaindre,
les seconds à aider, les troisièmes à louer.
Quant Ă  nous, parce que nous entendons tous les conseiller,
nous désirons augmenter en tous le bien qui s’y trouve,
et y remplacer le mal,
nous voulons que tous comprennent ce que nous disons,
que tous accomplissent ce Ă  quoi nous les exhortons.

Livre six. Comment doivent lire l’Écriture sainte
ceux qui y cherchent la science.
Je te propose, lecteur, deux choses, à savoir l’ordre et la manière.
Si tu les observes avec attention,
le chemin de la lecture s’ouvrira facilement à toi.
Dans leur examen
je ne laisserai pas tout Ă  ton talent,
sans pour autant promettre de te donner satisfaction par mes soins,
mais je parcourrai certains points en en donnant de brefs avant-goûts,
de sorte que tu trouves des choses exposées qui t’instruisent
et d’autres omises qui t’exercent.
J’ai rappelé plus haut que l’ordre de la lecture était quadruple :
l’un consiste dans les disciplines, un autre dans les livres,
un autre dans la narration et un autre dans l’exposition.
Comment les déterminer dans l’Écriture sainte
je ne l’ai pas encore montré.


L’ordre dans les disciplines.
Tout d’abord, il faut donc que le lecteur de la Bible considère
l’ordre recherché dans les disciplines
entre l’histoire, l’allégorie et la tropologie,
et quelle est celle qui précède les autres dans l’ordre de la lecture,
point où il n’est pas inutile de rappeler
ce qu’on voit faire dans les constructions,
où tout d’abord l’on pose les fondations,
avant d’y ajouter le bâtiment,
pour qu’à la fin, une fois l’ouvrage achevé,
la maison soit décorée d’une peinture qui y est ajoutée.


Sur l’histoire. Ainsi faut-il vraiment que dans ta formation
tu apprennes d’abord l’histoire
et, en répétant le cours véridique des faits du début à la fin,
tu confies soigneusement à ta mémoire
ce qui s’est passé, quand cela s’est passé,
où cela s’est passé et par qui cela a été fait.
Il y a quatre choses principales Ă  rechercher en histoire :
la personne, le fait, le temps et le lieu.
Et je ne pense pas que tu puisses devenir subtil en allégorie,
si tu n’as pas de bases historiques.
Ne méprise pas ces petites choses.
Il tombe insensiblement celui qui méprise les petites choses.
Si tu avais d’abord méprisé d’apprendre l’alphabet,
tu n’aurais pas aujourd’hui un si grand nom parmi les grammairiens.