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Colonne a Glorioso et sapienti Ivoni Carnotensi episcopo, frater Hugo monachus
Sancti Benedicti Floriacensis cenobii sempiterna pace et
felicitate perfrui. Ecce tibi, precellentissime pater et domine,
duo humilitatis mee opuscula transmitto, ut si quid ibi videris indecens et
incultum lima prudentie tue corrigas et exornes, et quod tibi
placuerit corrobores et confirmes. Arma mea adversus otium sunt
hec opuscula que nunc vides. Nam malo studio vacare quam in otio
et torpore sicut pecus inutile vitam exigere. Sed hec omnia
vestro desidero judicio discuti et vestra sapientia condiri,
quoniam vacillare non poterit quod semel auctoritatis vestre nodus
corroboraverit. At mihi forsitan aliquis dicet : tam vilia et
inutilia cur viro prudenti et in summa phylosophie arce sedenti
mittere non erubuisti, cum scias esse scriptum
quia orationi et
carmini est parva gratia, nisi eloquentia sit summa ?
Ego vero ad hec respondeo quoniam malo justo sapientis judicio
comprobari, quam arrogantium sententia condemnari. Laboriosum
tamen est, pater honestissime, tue integritatis adjectiones et
detractiones huic adhibere volumini, sed fructus laboris
preciosior auro caritas est. Vale.
Colonne b Incipit ecclesiastice liber historie quem Hugo de Sancta
Maria monachus Sancti Benedicti Floriacensis a diversis defloravit
historie locis, anno ab incarnatione Domini millesimo centesimo
decimo, gratia domine Adele Carnotensium, Meldensium atque Blesensium
comitisse. Incipit liber primus. Assiriorum igitur rex
potentissimus fuit olim Ninus
qui bellum finitimis inferens regibus omnes Asie populos preter
Indos sibi subjugavit et annis in ea quinquaginta regnavit.
Quibus exactis, decessit relicto adhuc in pubere filio Nina nomine
et uxore Semiramide
que nec inmaturo puero imperium ausa tradere, nec ipsa palam
tractare. Tot ac tantis gentibus vix patienter uni viro, nedum
femine, parituris simulat se pro uxore Nini filium, pro femina
puerum. Nam et statura utrique mediocris et vox eque gracilis
et liniamentorum qualitas matri ac filio similis erat, brachiaque
et crura vestis virilis, caput vero thiara tegebat. Et ne forte
novo habitu aliquid occultare videretur, eodem ornatu et populum
vestiri jubet. Quem morem vestis exinde gens illa universa
tenet. Sed primis initiis sexum mentita, puer esse credita est.
Magnas denique res gessit.
Dans la marge inférieure Asiam plerique sermographi terciam totius
orbis partem appellavere tribus et orbis orbem partibus
divionentes. Quarum partium Europa a septentrione ad occidentem
porrigitur et Affrica ab occidente ad meridiem. Asia vero a
meridie per orientem ad septentrionem extenditur. Videnturque due
partes orbem tenere dimidium, Affrica videlicet et Europa, et dimidium
Asia sola.
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Colonne a Au glorieux et sage Yves évêque de Chartres, frère Hugues moine du monastère Saint-Benoît de Fleury, qu’il jouisse de la paix
et de la félicité éternelles. Voici que je t’envoie, père et seigneur
très excellent,
deux petits ouvrages fruits de mon humilité, pour que, si tu y
voies quelque chose de choquant et de barbare, la lime de ta prudence
le corrige et l’orne, et que, ce qui t’auras plu, tu l’affermisses et
le confirmes. Ce sont mes armes contre l’oisiveté que ces petits
ouvrages que tu vois maintenant. Car je préfère me consacrer Ã
l’étude que de passer ma vie dans l’oisiveté et la torpeur comme
le bétail inutile. Mais je désire que tout cela soit examiné par votre
jugement et relevé par votre sagesse, car ce que le nœud de votre
autorité aura une fois corroboré ne pourra plus vaciller. Mais
peut-être quelqu’un me dira : pourquoi n’as-tu pas rougi
d’envoyer à un homme sage et qui siège au pinacle de la philosophie des
choses viles et inutiles, alors que tu sais qu’il est écrit :
une petite faveur
s’attache à un discours et à un poème, à moins que l’éloquence
n’en soit extrême ? Pour ma part, je réponds à cela que
je préfère être approuvé par le juste jugement d’un sage que d’être
condamné par la sentence d’arrogants. Il est cependant difficile, père
très honorable, d’appliquer à ce volume les additions et les
suppressions de ton intégrité, mais le fruit du travail est la
charité, plus précieuse que l’or. Adieu.
Colonne b Début du livre de l’histoire ecclésiastique qu’Hugues de
Sainte-Marie moine de Saint-Benoît de Fleury a composé à partir de
divers livres d’histoire, l’an du Seigneur 1110, pour dame Adèle comtesse de Chartres, de Meaux et de
Blois. Début du premier livre. Il y avait autrefois un roi
très puissant des Assyriens Ninus, qui, portant la guerre chez les rois les plus
proches, soumit tous les peuples d’Asie à l’exception des Indiens
et régna cinquante ans. Ces années passées, il mourut et
laissa un fils encore jeune du nom de Nina et une femme Sémiramis
qui n’osa pas remettre le pouvoir à un fils encore trop jeune,
ni l’exercer elle-même ouvertement. Auprès de peuples si nombreux et
importants qui souffraient à grand peine d’obéir à un seul homme, et
encore plus à une femme, épouse, elle se fait passer pour le fils de
Ninus, et l’enfant pour une femme. Car ils étaient tous deux de
petite taille, d’une voix également faible, et la mère et le
fils avaient des traits semblables, un habit d’homme couvrait ses bras
et ses jambes, une tiare sa tête. Et pour que sous le nouvel
habit quelque chose ne semble pas caché, on ordonne au peuple de
s’habiller aussi des mêmes vêtements. Par la suite, tout le peuple
adopte cette manière de s’habiller. Mais ayant dès le début menti
sur son sexe, elle fut prise pour l’enfant. Elle fit de grandes
choses par la suite.
Dans la marge inférieure La plupart des géographes ont appelé Asie
le tiers de la surface terrestre, en divisant la surface terrestre en
trois parties. Parmi ces parties, l’Europe s’étend du nord Ã
l’ouest, et l’Afrique de l’ouest au sud. Quant à l’Asie, elle
s’étend du sud à l’est jusqu’au nord. Il semble que deux parties
remplissent la moitié de la terre, c’est-à -dire l’Afrique et l’Europe,
et l’Asie seule l’autre moitié.
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