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Fin XIIIe siècle. Jaufre
Notice   â€˘   Fac-similĂ© interactif   â€˘   Texte et traduction  â€˘  Commentaire linguistique
  Dossier 57 image du dossier
Texte original Traduction
E dis : « Ja per Dieu no.l valra
Qe ja tan luein no fogira
ni no.s rescondra tan prion,
ans ne qeria tot lo mon
tan ca(n) n’es de mar ni de t(er)ra,
q’eu no.l trobe, se no.s sot(er)ra. »
E part se d’aqui ab aitan
e es venguts esp[er]onan
ves un cami gran e ferat :
un esclau frecs el a trobat.
« Aisi, dis el, a mo vegaire,
es caval passat non a gaire. »
E dis qe per aqel tenria
aitan can l’esclau trobaria.
E met s’el cami d’ambladura
e anet tan ca(n) lo jorn dura,
qe vila ni castel no vi,
ni anc, si tot s’en escursi,
no.s laiset per aco d’anar,
car ades se cuja tardar.
E cant ac un petit anat,
el ausi denan se levat
un gra(n) brugtz de cavaliers,
qe ferres ni futz ni asiers
resono e meno bruidors.
Jaufres ailai s’en vai de cors,
tan can poc, de gran esperos,
e escrida : « Qui es, baros,
qe d’aital ora.us combates ?
Pos vezer no.us puesc, repondes ! »
E el pres enan ad anar
car ades se cuja tardar,
aisi con om volontairos
qe non es de re temeros.
Ab aitan la bataila fali
e Jaufre, can re non ausi,
Escouta es si estanchatz ;
e es se mot meravilatz
un sun ni vas cal part tenio
cels qe tan fort si combatio,
qe negun nu au ni num ve.
Ab tan el garda denan se
e ausi plainer e roflar
un cavalier e sospirar
e fo nafratz mot malamen.
E Jaufre venc vas lui corren
e troba.l jasen, estendut
el sol e ac gran sanc perdut
qe la paraula l’es falida.
E Jaufre aitan can pot crida :
« Cavalier, dis el, respon me
[e digas cal causa ni que
t’a nafratz ? » es no sona mot
ni mou mais qe fa I sanglot
aqui meseis e el s’esten ;
e l’arma part d’el e vai s’en
E can vi Jaufre qe mortz es :
« Cavalier, dis el, fort greu m’es
Et il [Jaufre] a dit : « Par Dieu, cela ne lui profitera pas
car il ne fuira jamais assez loin
ni se se cachera jamais assez profondément,
- je parcourrais plutĂ´t le monde entier
dans toute son Ă©tendue de mer et de terre -
que je ne finisse par le trouver, à moins qu’il ne s’enterre. »
Il part de lĂ  aussitĂ´t
et il est parvenu en Ă©peronant
à un grand chemin empierré :
il a trouvé une trace de sabot fraîche.
« Ainsi, dit-il, à mon avis,
un cheval est passé par là naguère. »
Et il a dit qu’il suivrait ce chemin
aussi longtemps qu’il trouverait la trace.
Il s’engage sur le chemin à l’amble
et il avança aussi longtemps que dure le jour.
et ne vit ni ville, ni château
et jamais, et pourtant tout s’obscursit,
il ne cessa pour cette raison d’avancer
car il croit aussitĂ´t prendre du retard.
Et quand il a avancé un peu,
il entendit devant lui levé
un grand fracas de chevaliers :
fers, bois, aciers
résonnent et mènent un beau vacarme.
Jaufre se dirige promptement vers cet endroit,
tant qu’il peut, à grands coups d’éperons
et s’écrie : « Qui êtes-vous, barons
qui vous combatez ainsi Ă  cette heure ?
Puisque je ne peux vous voir, répondez ! »
Et il se reprit à aller de l’avant
car il croit lĂ  encore prendre du retard,
en homme qui sait ce qu’il veut
et qui n’a peur de rien.
Ă€ ce moment la bataille cessa
et Jaufre, quand il n’entendit plus rien,
écoute et s’est arrêté ;
et il se demande, très étonné,
oĂą sont et quelle direction ont pris
ceux qui se combattaient si fort,
car il n’entend ni ne voit personne
Alors, il regarde devant lui
et entendit se plaindre, gémir
et soupirer un chevalier :
il avait reçu une très mauvaise blessure.
Et Jaufre vint vers lui au galop
et le trouve gisant, Ă©tendu
sur le sol, et il a perdu beaucoup de sang
au point qu’il a perdu la parole.
Et Jaufre crie aussi fort qu’il peut :
« Chevalier, dit-il, réponds moi
et dis moi la cause de ta blessure et qui
t’as blessé ? » et celui-ci ne dit mot
ni ne bouge mais pousse seulement un sanglot
à cette place même et il s’allonge ;
e son âme le quitte et s’en va.
Et quant Jaufre vit qu’il est mort :
« Chevalier, dit-il, cela me peine beaucoup