Texte original | Traduction | |
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E dis : « Ja per Dieu no.l valra Qe ja tan luein no fogira ni no.s rescondra tan prion, ans ne qeria tot lo mon tan ca(n) n’es de mar ni de t(er)ra, q’eu no.l trobe, se no.s sot(er)ra. » E part se d’aqui ab aitan e es venguts esp[er]onan ves un cami gran e ferat : un esclau frecs el a trobat. « Aisi, dis el, a mo vegaire, es caval passat non a gaire. » E dis qe per aqel tenria aitan can l’esclau trobaria. E met s’el cami d’ambladura e anet tan ca(n) lo jorn dura, qe vila ni castel no vi, ni anc, si tot s’en escursi, no.s laiset per aco d’anar, car ades se cuja tardar. E cant ac un petit anat, el ausi denan se levat un gra(n) brugtz de cavaliers, qe ferres ni futz ni asiers resono e meno bruidors. Jaufres ailai s’en vai de cors, tan can poc, de gran esperos, e escrida : « Qui es, baros, qe d’aital ora.us combates ? Pos vezer no.us puesc, repondes ! » E el pres enan ad anar car ades se cuja tardar, aisi con om volontairos qe non es de re temeros. Ab aitan la bataila fali e Jaufre, can re non ausi, Escouta es si estanchatz ; e es se mot meravilatz un sun ni vas cal part tenio cels qe tan fort si combatio, qe negun nu au ni num ve. Ab tan el garda denan se e ausi plainer e roflar un cavalier e sospirar e fo nafratz mot malamen. E Jaufre venc vas lui corren e troba.l jasen, estendut el sol e ac gran sanc perdut qe la paraula l’es falida. E Jaufre aitan can pot crida : « Cavalier, dis el, respon me [e digas cal causa ni que t’a nafratz ? » es no sona mot ni mou mais qe fa I sanglot aqui meseis e el s’esten ; e l’arma part d’el e vai s’en E can vi Jaufre qe mortz es : « Cavalier, dis el, fort greu m’es |
Et il [Jaufre] a dit : « Par Dieu, cela ne lui profitera pas car il ne fuira jamais assez loin ni se se cachera jamais assez profondément, - je parcourrais plutôt le monde entier dans toute son étendue de mer et de terre - que je ne finisse par le trouver, à moins qu’il ne s’enterre. » Il part de là aussitôt et il est parvenu en éperonant à un grand chemin empierré : il a trouvé une trace de sabot fraîche. « Ainsi, dit-il, à mon avis, un cheval est passé par là naguère. » Et il a dit qu’il suivrait ce chemin aussi longtemps qu’il trouverait la trace. Il s’engage sur le chemin à l’amble et il avança aussi longtemps que dure le jour. et ne vit ni ville, ni château et jamais, et pourtant tout s’obscursit, il ne cessa pour cette raison d’avancer car il croit aussitôt prendre du retard. Et quand il a avancé un peu, il entendit devant lui levé un grand fracas de chevaliers : fers, bois, aciers résonnent et mènent un beau vacarme. Jaufre se dirige promptement vers cet endroit, tant qu’il peut, à grands coups d’éperons et s’écrie : « Qui êtes-vous, barons qui vous combatez ainsi à cette heure ? Puisque je ne peux vous voir, répondez ! » Et il se reprit à aller de l’avant car il croit là encore prendre du retard, en homme qui sait ce qu’il veut et qui n’a peur de rien. À ce moment la bataille cessa et Jaufre, quand il n’entendit plus rien, écoute et s’est arrêté ; et il se demande, très étonné, où sont et quelle direction ont pris ceux qui se combattaient si fort, car il n’entend ni ne voit personne Alors, il regarde devant lui et entendit se plaindre, gémir et soupirer un chevalier : il avait reçu une très mauvaise blessure. Et Jaufre vint vers lui au galop et le trouve gisant, étendu sur le sol, et il a perdu beaucoup de sang au point qu’il a perdu la parole. Et Jaufre crie aussi fort qu’il peut : « Chevalier, dit-il, réponds moi et dis moi la cause de ta blessure et qui t’as blessé ? » et celui-ci ne dit mot ni ne bouge mais pousse seulement un sanglot à cette place même et il s’allonge ; e son âme le quitte et s’en va. Et quant Jaufre vit qu’il est mort : « Chevalier, dit-il, cela me peine beaucoup |