Le montage de l'acte est sophistiqué. Rédigé au nom de la comtesse, le texte enchâsse un bref passage où son époux prend la parole. Cette alternance, marque du consentement, est récapitulée par une corroboration annonçant le sceau de chacun ; la corroboration annonce ensuite un autre acte, garantie délivrée cette fois de l'extérieur, par l'évêque de Beauvais, qui reprend du service après avoir été cité comme garant du serment de la comtesse ; la force de cette double corroboration est scellée par la quasi-reprise de l'expression confirmationem et munimen/testimonium et munimen en ouverture puis en clôture.
Le discours apparaît ainsi comme un habile tissage de paroles et d'écrits, de promesses et de serments entrecroisés, dont la trame limite la liberté d'action de la comtesse, accessoirement celle du comte — qui intervient bien pour « autoriser » son épouse à agir (de licentia nostra), comme le droit l'exige, mais qui apparaît bien en retrait. Joint à l'annonce de l'acte épiscopal, ce trait désigne à l'évidence les héritiers, gendre et fille, comme instigateurs d'une mesure qu'ils ont dû exiger avec moins de sérénité que ne le laissent entrevoir le sage déroulement de l'exposé et l'accumulation des verbes et expressions suggérant aussi bien l'initiative de la comtesse (dont la personne commande pas moins de onze verbes) que la concorde et dilection qui règne dans la famille (l'emploi répété, en épithète, de karissimus n'est pas que marque de politesse : il renvoie à la charité, amour mutuel, donc à la paix ; voir aussi benigne).
Alors que l’acte au nom de la comtesse est qualifié de scriptum, on parle de « lettres patentes » pour celui de l’évêque (litteras suas patentes). Générique à l’origine (lettre ouvertes, par opposition aux « lettres closes », qui n’ont vocation ni à la publicité ni à la validation), l’expression ne fait sans doute ici que suggérer une certaine solennité, ou force juridique de l’acte octroyé en garantie aux héritiers. Au siècle précédent, on aurait sans doute plus volontiers parlé de « charte ». Noter au passage que le latin médiéval peut continuer à employer le pluriel literae pour désigner « une lettre » ; le vocabulaire diplomatique contemporain hésite entre pluriel et singulier (« par lettres du roi en date du...», mais « une lettre de rémission »).
Ces traits accusent l'intervention d'un rédacteur expert, versé aussi bien dans l'ars dictaminis que dans le droit, encore que l'acte sente moins l'école que la pratique. Il n'y a en tout cas guère d'apparat comtal dans cet acte, qui serait aussi bien sorti d'une officialité — mais la constation n'exclut pas l'intervention d'un savant chapelain ou « notaire » de la comtesse.
Par-delà ces traits diplomatiques, qui montrent la faiblesse structurelle de la « diplomatique comtale » des XIIe-XIIIe siècles, comme l'invasion de l'écrit (la comtesse cite ici trois autres documents : les lettres de don, le testament, la future notification épiscopale), l'acte est un précieux témoignage de la vogue du testament, devenue pratique courante dans l'aristocratie depuis quelques décennies, et des correctifs apportés à coup d'actes (et de procès) à la liberté, d'ailleurs très relative, qu'il offrait dans les arrangements successoraux.
Le montage de l'acte est sophistiqué. Rédigé au nom de la comtesse, le texte enchâsse un bref passage où son époux prend la parole. Cette alternance, marque du consentement, est récapitulée par une corroboration annonçant le sceau de chacun ; la corroboration annonce ensuite un autre acte, garantie délivrée cette fois de l'extérieur, par l'évêque de Beauvais, qui reprend du service après avoir été cité comme garant du serment de la comtesse ; la force de cette double corroboration est scellée par la quasi-reprise de l'expression confirmationem et munimen/testimonium et munimen en ouverture puis en clôture.
Le discours apparaît ainsi comme un habile tissage de paroles et d'écrits, de promesses et de serments entrecroisés, dont la trame limite la liberté d'action de la comtesse, accessoirement celle du comte — qui intervient bien pour « autoriser » son épouse à agir (de licentia nostra), comme le droit l'exige, mais qui apparaît bien en retrait. Joint à l'annonce de l'acte épiscopal, ce trait désigne à l'évidence les héritiers, gendre et fille, comme instigateurs d'une mesure qu'ils ont dû exiger avec moins de sérénité que ne le laissent entrevoir le sage déroulement de l'exposé et l'accumulation des verbes et expressions suggérant aussi bien l'initiative de la comtesse (dont la personne commande pas moins de onze verbes) que la concorde et dilection qui règne dans la famille (l'emploi répété, en épithète, de karissimus n'est pas que marque de politesse : il renvoie à la charité, amour mutuel, donc à la paix ; voir aussi benigne).
Alors que l’acte au nom de la comtesse est qualifié de scriptum, on parle de « lettres patentes » pour celui de l’évêque (litteras suas patentes). Générique à l’origine (lettre ouvertes, par opposition aux « lettres closes », qui n’ont vocation ni à la publicité ni à la validation), l’expression ne fait sans doute ici que suggérer une certaine solennité, ou force juridique de l’acte octroyé en garantie aux héritiers. Au siècle précédent, on aurait sans doute plus volontiers parlé de « charte ». Noter au passage que le latin médiéval peut continuer à employer le pluriel literae pour désigner « une lettre » ; le vocabulaire diplomatique contemporain hésite entre pluriel et singulier (« par lettres du roi en date du...», mais « une lettre de rémission »).
Ces traits accusent l'intervention d'un rédacteur expert, versé aussi bien dans l'ars dictaminis que dans le droit, encore que l'acte sente moins l'école que la pratique. Il n'y a en tout cas guère d'apparat comtal dans cet acte, qui serait aussi bien sorti d'une officialité — mais la constation n'exclut pas l'intervention d'un savant chapelain ou « notaire » de la comtesse.
Par-delà ces traits diplomatiques, qui montrent la faiblesse structurelle de la « diplomatique comtale » des XIIe-XIIIe siècles, comme l'invasion de l'écrit (la comtesse cite ici trois autres documents : les lettres de don, le testament, la future notification épiscopale), l'acte est un précieux témoignage de la vogue du testament, devenue pratique courante dans l'aristocratie depuis quelques décennies, et des correctifs apportés à coup d'actes (et de procès) à la liberté, d'ailleurs très relative, qu'il offrait dans les arrangements successoraux.