Simon de Montfort, guerroyant en Languedoc, avait patiemment renégocié les conventions passées entre les comtes de Toulouse et de nombreux évêques et abbés ; quand il lui succéda, affaibli, son fils Amaury s'empressa de confirmer et faire confirmer ces actes. La présente convention fait allusion aux actes échangés entre Simon de Montfort et l'abbé de Moissac après la reddition des habitants de la localité, le 14 septembre 1212 ; un exemplaire existait encore au XVIIe siècle aux archives de l'abbaye de Moissac, et l'autre, destiné à Simon, est, comme le présent document, passé aux archives royales après qu'Amaury, en 1224, a remis ses droits à Louis VIII.
Si la connaissance du contexte permet de pressentir la hâte et l'insistance d'Amaury et de son entourage (Simon vient de mourir, trois mois plus tôt, en assiégeant Toulouse révoltée), ce sont des formules éprouvées qui servent à exprimer le nouvel accord, coulé dans le moule strictement féodal d'un hommage prêté à l'abbé, puis des engagements solennels qui lient seigneur et vassal. Le texte, comme il est fréquent dans des cas analogues, voit les parties prendre la parole à tour de rôle : enchâssés dans le protocole (invocation, date initiale ; corroboration, date finale et liste des témoins), on lit donc successivement deux ensembles, à la suscription individualisée et dont la savante symétrie noue l'accord. À chacun l'occasion de s'exprimer alternativement dans la posture de l'auteur de l'acte ; à chacun aussi son chirographe, qui permettra de relire les droits et devoirs de tous.
Même si un surcroît d'honneur fait pencher la balance du côté de l'abbé, seigneur (il « reçoit » l'hommage que lui offre Amaury, ce qui sous-entend qu'il eût pu refuser), les obligations pèsent du même poids pour l'un et pour l'autre (42 mots pour l'expression de celles d'Amaury, contre 44 pour l'abbé, alors que la formulation est en partie différente). C'est fondamentalement un acte synallagmatique qui est passé, tissé d'engagements réciproques, mais aussi de partage du pouvoir et des prélèvements, sous les yeux attentifs des fidèles, du convent et des habitants — tout à la fois subordonnés, gardiens, conseillers, appuis, garants et possibles antagonistes.
L'équilibre semble parfait, et la corroboration achever le discours en point d'orgue, dans la synthèse du vos… et nos… fecimus apponi. C'est Amaury qui y garde la première personne (comme encore dans l'épithète qualifiant « son » notaire dans la liste de témoins), mais on ne sait si ce trait est commodité de rédaction (dans la coulée du dispositif n° 2) ou indice sur la personnalité du rédacteur. Scriptorium de Moissac ou notaire comtal ? Une réponse certaine ne se trouverait que dans la comparaison avec d'autres actes des mêmes auteurs.
La comparaison avec quelques actes concernant Simon de Montfort permet de comprendre l’articulation de la liste des témoins (ici traduite dans la ponctuation). Un premier groupe, clos par le notaire Guillaume [ou Guilhem s’il est d’origine méridionale], est constitué de fidèles encadrant le nouveau comte : on peut sans doute y reconnaître Evrardus de Villa Peror (acte de Simon le 25 mai 1218, au siège de Toulouse, éd. Layettes, t. V, n° 236), Titbaldus de Nouvilla (accord entre Simon et les seigneurs de Capdenac, n° 208), Ferricus de Isseio (acquisition par Simon des vicomtés de Nîmes et Agde, 1214, n° 201). Viennent ensuite les témoins liés à l’abbaye : quatre prieurs clunisiens, plus ou moins fortement liés à Moissac, et deux dignitaires de l’abbaye. Enfin les habitants de la bourgade. Inclassables, ou oubliés dans un premier temps, figurent in fine deux Templiers.
Il est d'autres traits qui marquent un art consommé de la composition. On peut ainsi goûter l'usage subtil qui est fait des temps verbaux, si subtil qu'en un moment les utiles mais trop rigides démarcations posées par la doctrine entre exposé et dispositif s'effacent. Il y a, d'abord, le temps de l'hommage, cérémonie que l'acte écrit ne peut que rapporter au passé, comme les paroles qui se sont alors échangées : recepimus in hominem… promisimus pour l'abbé, fecisse hominium et promisisse pour Amaury. L'acte est ici constat, et ce constat est formulé au présent : porté à la connaissance des lecteurs-auditeurs de la charte par l'abbé (notum facimus), il est « reconnu » (quasi au sens de la juridiction gracieuse) par Amaury (recognoscimus). Mais la charte use aussi d'un autre présent, pleinement dispositif, où le lien se crée en même temps que l'écriture (per hanc cartam confirmamus) ; ce présent-là n'est pas un point dans le temps, mais un présent toujours actif, qui regarde aussi bien vers le passé (conformité aux actes précédents) que vers le futur (respect des obligations).
Simon de Montfort, guerroyant en Languedoc, avait patiemment renégocié les conventions passées entre les comtes de Toulouse et de nombreux évêques et abbés ; quand il lui succéda, affaibli, son fils Amaury s'empressa de confirmer et faire confirmer ces actes. La présente convention fait allusion aux actes échangés entre Simon de Montfort et l'abbé de Moissac après la reddition des habitants de la localité, le 14 septembre 1212 ; un exemplaire existait encore au XVIIe siècle aux archives de l'abbaye de Moissac, et l'autre, destiné à Simon, est, comme le présent document, passé aux archives royales après qu'Amaury, en 1224, a remis ses droits à Louis VIII.
Si la connaissance du contexte permet de pressentir la hâte et l'insistance d'Amaury et de son entourage (Simon vient de mourir, trois mois plus tôt, en assiégeant Toulouse révoltée), ce sont des formules éprouvées qui servent à exprimer le nouvel accord, coulé dans le moule strictement féodal d'un hommage prêté à l'abbé, puis des engagements solennels qui lient seigneur et vassal. Le texte, comme il est fréquent dans des cas analogues, voit les parties prendre la parole à tour de rôle : enchâssés dans le protocole (invocation, date initiale ; corroboration, date finale et liste des témoins), on lit donc successivement deux ensembles, à la suscription individualisée et dont la savante symétrie noue l'accord. À chacun l'occasion de s'exprimer alternativement dans la posture de l'auteur de l'acte ; à chacun aussi son chirographe, qui permettra de relire les droits et devoirs de tous.
Même si un surcroît d'honneur fait pencher la balance du côté de l'abbé, seigneur (il « reçoit » l'hommage que lui offre Amaury, ce qui sous-entend qu'il eût pu refuser), les obligations pèsent du même poids pour l'un et pour l'autre (42 mots pour l'expression de celles d'Amaury, contre 44 pour l'abbé, alors que la formulation est en partie différente). C'est fondamentalement un acte synallagmatique qui est passé, tissé d'engagements réciproques, mais aussi de partage du pouvoir et des prélèvements, sous les yeux attentifs des fidèles, du convent et des habitants — tout à la fois subordonnés, gardiens, conseillers, appuis, garants et possibles antagonistes.
L'équilibre semble parfait, et la corroboration achever le discours en point d'orgue, dans la synthèse du vos… et nos… fecimus apponi. C'est Amaury qui y garde la première personne (comme encore dans l'épithète qualifiant « son » notaire dans la liste de témoins), mais on ne sait si ce trait est commodité de rédaction (dans la coulée du dispositif n° 2) ou indice sur la personnalité du rédacteur. Scriptorium de Moissac ou notaire comtal ? Une réponse certaine ne se trouverait que dans la comparaison avec d'autres actes des mêmes auteurs.
La comparaison avec quelques actes concernant Simon de Montfort permet de comprendre l’articulation de la liste des témoins (ici traduite dans la ponctuation). Un premier groupe, clos par le notaire Guillaume [ou Guilhem s’il est d’origine méridionale], est constitué de fidèles encadrant le nouveau comte : on peut sans doute y reconnaître Evrardus de Villa Peror (acte de Simon le 25 mai 1218, au siège de Toulouse, éd. Layettes, t. V, n° 236), Titbaldus de Nouvilla (accord entre Simon et les seigneurs de Capdenac, n° 208), Ferricus de Isseio (acquisition par Simon des vicomtés de Nîmes et Agde, 1214, n° 201). Viennent ensuite les témoins liés à l’abbaye : quatre prieurs clunisiens, plus ou moins fortement liés à Moissac, et deux dignitaires de l’abbaye. Enfin les habitants de la bourgade. Inclassables, ou oubliés dans un premier temps, figurent in fine deux Templiers.
Il est d'autres traits qui marquent un art consommé de la composition. On peut ainsi goûter l'usage subtil qui est fait des temps verbaux, si subtil qu'en un moment les utiles mais trop rigides démarcations posées par la doctrine entre exposé et dispositif s'effacent. Il y a, d'abord, le temps de l'hommage, cérémonie que l'acte écrit ne peut que rapporter au passé, comme les paroles qui se sont alors échangées : recepimus in hominem… promisimus pour l'abbé, fecisse hominium et promisisse pour Amaury. L'acte est ici constat, et ce constat est formulé au présent : porté à la connaissance des lecteurs-auditeurs de la charte par l'abbé (notum facimus), il est « reconnu » (quasi au sens de la juridiction gracieuse) par Amaury (recognoscimus). Mais la charte use aussi d'un autre présent, pleinement dispositif, où le lien se crée en même temps que l'écriture (per hanc cartam confirmamus) ; ce présent-là n'est pas un point dans le temps, mais un présent toujours actif, qui regarde aussi bien vers le passé (conformité aux actes précédents) que vers le futur (respect des obligations).