La source ici commentée ne nous permet pas d’étudier les caractères externes de l’acte de 999, à l’exception (et encore sous la forme d’une copie inévitablement infidèle) du monogramme royal (la copie de 1279 peut être de ce fait qualifiée de « copie figurée »). De la même façon, la comparaison avec l’original, conservé par ailleurs, montre que la transcription n’est pas exempte de déformations, la plupart du temps bénignes (voir ci-après). À la jonction des traits de fond et de forme, la médiation de la copie nous empêcherait, si l’original n’était pas conservé, de comprendre la présence du millésime (d’ailleurs faux) dans la formule de date. Autant d’indices qui montrent tout le péril qu’il y a, surtout pour les actes du haut Moyen Âge, à fonder l’examen diplomatique sur des textes qui seraient connus par copies. Pourtant, comme la tradition de ces textes est souvent pauvre et compliquée, les diplomatistes sont bien contraints de recourir aux copies : ils tentent d’établir une base de connaissance plus solide sur les originaux, et l’enrichissent ensuite, avec prudence, d’observations tirées des actes connus par copie.
La comparaison avec les pratiques de l’acte royal des Xe-XIe siècles permettent quelques conclusions sur l’acte de 999.
En premier lieu, les parties du discours sont aussi traditionnelles que nettement délimitées : une invocation trinitaire usuelle depuis Charles le Chauve ; une suscription qui exclut le pronom personnel ; un préambule assez court et très stéréotypé, même si son expression est un peu fleurie (de l’utilité des aumônes aux églises) ; un long exposé ; un dispositif qui reprend sur le mode de l’ordre, du « précepte », le fond de la prière adressée au roi, assorti de quelques prohibitions ; une corroboration annonçant monogramme et sceau (où sigillum a achevé de remplacer annulum) ; la récognition du chancelier (allégée par rapport au canon carolingien) ; la souscription du roi ; la date bipartite (Data + date de temps, Acta + date de lieu, où le millésime détonne par sa position).
Tout cela fleure le précepte caroligien, comme le vocabulaire de l’acte (auctoritatis nostre precepto, munificiencie nostre precepto, qui contraste avec le « lettres » de 1279), comme les métaphores (sagacitas seu industria fidelium, nostram adierunt serenitatem). Légères discordances : un acte carolingien classique n’aurait sans doute pas qualifié de « précepte » l’acte des donateurs laïques (le « précepte » royal s’oppose à la « charte » des autres auteurs) ni usé du vocabulaire des droits de voirie et avouerie. En sens inverse, l’absence originelle du millésime renvoie à une pratique antérieure aux années 960, où la chancellerie royale adopte l’usage systématique de l’ère chrétienne.
Ces derniers points, confirmés par l’étude de l’écriture, nous mettent sur la piste d’une hypothèse très vraisemblable : celle de l’établissement de l’acte par le destinataire, sur la base des modèles carolingiens disponibles dans son chartrier, produisant un acte qui est largement consonnant à la tradition carolingienne de la chancellerie de Robert le Pieux, mais qui fait encore plus carolingien qu’elle. Cela ne veut pas dire que le roi soit totalement passif : l’acte s’insère parfaitement dans une série de dispositions prises en faveur de l’abbaye par les Capétiens, brillants et généreux protecteurs au-dessus du protecteur immédiat, leur très fidèle et non moins pieux Bouchard.
La source ici commentée ne nous permet pas d’étudier les caractères externes de l’acte de 999, à l’exception (et encore sous la forme d’une copie inévitablement infidèle) du monogramme royal (la copie de 1279 peut être de ce fait qualifiée de « copie figurée »). De la même façon, la comparaison avec l’original, conservé par ailleurs, montre que la transcription n’est pas exempte de déformations, la plupart du temps bénignes (voir ci-après). À la jonction des traits de fond et de forme, la médiation de la copie nous empêcherait, si l’original n’était pas conservé, de comprendre la présence du millésime (d’ailleurs faux) dans la formule de date. Autant d’indices qui montrent tout le péril qu’il y a, surtout pour les actes du haut Moyen Âge, à fonder l’examen diplomatique sur des textes qui seraient connus par copies. Pourtant, comme la tradition de ces textes est souvent pauvre et compliquée, les diplomatistes sont bien contraints de recourir aux copies : ils tentent d’établir une base de connaissance plus solide sur les originaux, et l’enrichissent ensuite, avec prudence, d’observations tirées des actes connus par copie.
La comparaison avec les pratiques de l’acte royal des Xe-XIe siècles permettent quelques conclusions sur l’acte de 999.
En premier lieu, les parties du discours sont aussi traditionnelles que nettement délimitées : une invocation trinitaire usuelle depuis Charles le Chauve ; une suscription qui exclut le pronom personnel ; un préambule assez court et très stéréotypé, même si son expression est un peu fleurie (de l’utilité des aumônes aux églises) ; un long exposé ; un dispositif qui reprend sur le mode de l’ordre, du « précepte », le fond de la prière adressée au roi, assorti de quelques prohibitions ; une corroboration annonçant monogramme et sceau (où sigillum a achevé de remplacer annulum) ; la récognition du chancelier (allégée par rapport au canon carolingien) ; la souscription du roi ; la date bipartite (Data + date de temps, Acta + date de lieu, où le millésime détonne par sa position).
Tout cela fleure le précepte caroligien, comme le vocabulaire de l’acte (auctoritatis nostre precepto, munificiencie nostre precepto, qui contraste avec le « lettres » de 1279), comme les métaphores (sagacitas seu industria fidelium, nostram adierunt serenitatem). Légères discordances : un acte carolingien classique n’aurait sans doute pas qualifié de « précepte » l’acte des donateurs laïques (le « précepte » royal s’oppose à la « charte » des autres auteurs) ni usé du vocabulaire des droits de voirie et avouerie. En sens inverse, l’absence originelle du millésime renvoie à une pratique antérieure aux années 960, où la chancellerie royale adopte l’usage systématique de l’ère chrétienne.
Ces derniers points, confirmés par l’étude de l’écriture, nous mettent sur la piste d’une hypothèse très vraisemblable : celle de l’établissement de l’acte par le destinataire, sur la base des modèles carolingiens disponibles dans son chartrier, produisant un acte qui est largement consonnant à la tradition carolingienne de la chancellerie de Robert le Pieux, mais qui fait encore plus carolingien qu’elle. Cela ne veut pas dire que le roi soit totalement passif : l’acte s’insère parfaitement dans une série de dispositions prises en faveur de l’abbaye par les Capétiens, brillants et généreux protecteurs au-dessus du protecteur immédiat, leur très fidèle et non moins pieux Bouchard.