Introduction des cours Dossiers documentaires Bibliographies
999, 26 octobre. Acte royal (1279, copie au châtelet de Paris)
Notice   •   Fac-similé interactif   •   Texte et traduction•  Commentaire diplomatique
Dossier 81
  1. Commentaire de l’acte de 999
  2. Commentaire de la copie de 1279

Comme on l’a dit, l’original du diplôme de 999 est conservé : pour l’éditeur, la copie de 1279, ici présentée, est « inutile », en ce sens qu’elle n’apporte rien à l’établissement du texte (sauf le cas éventuel où l’original présenterait une lacune). Mais ce n’est pas à dire qu’elle est sans intérêt pour le diplomatiste et l’historien : elle atteste l’intérêt que l’on portait à l’acte vieux de près de trois siècles, et la façon dont on le lisait (qualité de la copie, fascination pour le monogramme royal,…). Elle est l’une des plus anciennes copies conservées de l’acte, avec le premier cartulaire de l’abbaye. De fait, aux côtés des copies (non authentiques) des cartulaires puis des érudits de l’époque moderne, elle appartient au troisième groupe de copies souvent rencontrés par les historiens : les copies authentiques, produites par des notaires ou des juridictions, très fréquentes du XIIIe au XVIe siècle, et qui permettent de produire en justice des textes certifiés conformes, sans sortir le précieux original du chartrier.

Essai

La mise en page est soignée, mais économe de parchemin, dans les marges comme dans le repli où l’on voit la fente ménagée pour la double queue supportant le sceau ; l’ornementation se limite à quelques initiales grossies, qui font ressortir d’autant la reproduction du monogramme royal, manifestement senti comme une pièce importante de l’autorité/authenticité de l’acte copié.

La justification est bien respectée à gauche, à l’exception, à la ligne 26, du mot anno, qui a sans doute été ajouté à la relecture. Les fins des lignes sont plus irrégulières, même si deux mots ont été coupés, mais sans trait d’union, pour ne pas trop déborder de la justification (Arvre-rum l. 7, Ermenfre-do l. 18). On remarque aussi que des lettres finales sont suivies d’un trait montant, comme pour éviter des rajouts et respecter la justification. Il y a donc une certaine recherche de cohérence visuelle. De même, à la fin de l’acte, on a laissé de l’espace autour du monogramme, mais sans reproduire l’étagement en plusieurs alinéas des souscriptions et de la date : le texte est copié en un seul bloc, comme si l’on voulait délibérément tout produire, et authentifier, dans une seule coulée. Comme souvent au XIIIe siècle, le scribe a cherché à couvrir entièrement la dernière ligne ; pour ce faire, il a laissé du blanc entre le monogramme et de Paris, puis achevé la ligne d’un trait de fantaisie. Il est d’ailleurs possible que le monogramme ait d’abord été dessiné (une fois le texte précédent transcrit ?) et que la fin de l’acte ait été ensuite copiée, coulée dans l’espace demeuré disponible.

L’écriture est de type gothique. On reconnaît ainsi des crochets tournés vers la gauche sur les hastes montantes (l, b, h), ou l’utilisation du d oncial. La plume utilisée est assez fine, mais les gras sont bien marqués par le scribe, surtout sur les traits exécutés du haut vers le bas. Dans l’ensemble, cette écriture est facilement visible, mais il existe des lettres difficiles à distinguer les unes des autres. Ainsi, à la ligne 13, au mot munimine, les traits utilisés comme points sont indispensables pour distinguer les i des jambages des m et des n. En effet, on remarque que dans cet acte tous les i ne sont pas pointés. Il est difficile d’expliquer ce choix: dans certains cas, les points sont mis pour distinguer les lettres, et dans d’autres ils paraissent presque superflus.

Trois signes de ponctuation différents sont employés : le point, le double point et un trait montant oblique vers la droite. Le plus fort et aussi le moins employé est le double point, que l’on rencontre à la ligne 2 pour marquer le début de l’acte en latin, et à la ligne 3, à la fin de l’invocation trinitaire. Plus fréquent, le point sert aussi bien à séparer les phrases (ligne 5: …diffidimus. Idcirco…) que les groupes de mots (ligne 7-8: …Arvrerum. ab oppido…), voire les différents éléments de la date. Enfin, le trait montant constitue la ponctuation la plus faible.

Comme il est de règle à l’époque, le Châtelet de Paris écrit en français, et le contraste avec le latin du diplôme royal fait mieux ressortir les limites de chaque acte, limites qui, cela n’est pas moins courant, sont assez discrètement marquées du point de vue graphique (le début du diplôme royal est marqué par deux points et une initiale grossie ; la fin est plus que discrète). Le formulaire employé est sobre ; l’acte n’est pas encore gagné par les modes stéréotypés mais détaillés de description de l’état physique de l’acte copié.

Le formulaire de l’acte du Châtelet s’ouvre, sur le mode des lettres d’officialité, par un protocole ternaire, adresse/suscription/salut. Rédigé en mode de procès-verbal, il donne la date de temps aussitôt après la notification. Sa partie finale comprend la corroboration et le rappel de la date.

La copie est authentique, et fait foi devant les tribunaux. Ce n’est pas pour autant qu’elle est fidèle. Une collation avec l’original fait pourtant ressortir le soin avec lequel elle a été effectuée. Le copiste est, certes, dérouté par quelques formes : il développe l’abréviation et en « eciam », lit de travers les « g » et « y » dont la morphologie le déroute dans des noms propres (« Gelo » > « Zelo », « Ayvreum » > « Arvreum »). Il corrige d’instinct des graphies sorties d’usage (« Rodbertus » > « Robertus », « Franchorum » > « Francorum »). En deux endroits enfin il troque des termes vermoulus ou incompréhensibles pour des mots plus courants à son époque (« propiciante » > « providente », ce qui cache la source d’inspiration de la formule de dévotion, celle des diplômes de Louis le Pieux ; « precluenti » > « prudentis ») : il raisonne en termes de providence divine et de « sage homme ». La qualité de la copie n’en est pas moins flagrante et dénote tout le soin apporté à sa confection.