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Fin XIIIe siècle. La Vida et la Canso "Tot I'an mi ten Amors" de Perdigon
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Dossier 30
  1. Introduction littéraire
  2. Notes morphologiques

Les chansonniers

La lyrique des troubadours est apparue au début du XIIe siècle dans le Sud-Ouest, où ses contacts avec le milieu clérical limousin lui ont sans doute permis de développer ses moyens musicaux. C’est une poésie de cour, une poésie rimée et chantée qui célèbre une conception originale de l’amour - l’amour courtois ou fin’amor - principalement à travers la canso1. Cette poésie est conservée, comme d’ailleurs celle des trouvères de langue d’oïl, dans des recueils manuscrits qu’on appelle chansonniers. Les plus anciens chansonniers remontent au milieu du XIIIe siècle mais ils ne deviennent nombreux qu’à la fin du siècle ; de plus environ la moitié des chansonniers conservés provient d’Italie.

Au décalage chronologique - très sommairement : 1100-1200, période de création ; 1250-1350, période de récapitulation écrite -, s’ajoute un décalage géographique, indice parmi bien d’autres d’un rayonnement durable de la lyrique d’oc au-delà des frontières linguistiques.
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Les chansonniers sont des anthologies, des conservatoires des meilleurs spécimens de la lyrique ; ils présentent un choix plus ou moins étendu de pièces, signées ou anonymes, généralement groupées, en tout cas pour la poésie d’oc, par genres. Un certain nombre de chansonniers occitans se caractérisent en outre par la présence en tête des pièces attribuées à un même poète de sa biographie romancée, la vida3 et / ou d’un commentaire littéraire de ses œuvres, la razo. En revanche, les chansonniers occitans comportent plus rarement que les chansonniers français une notation musicale.

Le chansonnier A

Le manuscrit Vatican latin 5232 de la Bibliothèque apostolique vaticane est

l’œuvre d’un copiste provençal travaillant en Italie du Nord dans les dernières années du XIIIe siècle ou dans les premières du XIVe.
4. Il présente, comme la majorité des chansonniers, le texte sur deux colonnes. Il contient la vida du troubadour en tête de ses cansos ; la première canso commence par une initiale illustrée figurant le troubadour ; le feuillet présenté ici (f. 158v) contient, outre la vida, une chanson complète (Tot l’an mi ten amors d’aital faiso) et les premiers vers d’une autre (Trop ai estat q’en bon esper non vi). On remarquera que les strophes de la canso sont nettement distinguées par un alinéa et l’emploi de petites lettrines de couleur mais qu’à l’intérieur de la strophe les vers s’enchaînent les uns aux autres, chaque rime étant simplement marquée par un point de facture identique à celle du point « syntaxique » employé dans le texte en prose et épisodiquement dans le texte en vers (voir ligne 3 de la colonne de droite : mas de ma mort. c’aissi lor abellis).

Le poète5

On peut dater la douzaine de pièces attribuées à Perdigon entre les années 1195 et 1212 ; sa réputation est attestée par le nombre de manuscrits qui conservent ses œuvres, les nombreuses citations dont il fait l’objet chez d’autres troubadours ainsi que par les traductions et imitations qu’en ont faites les poètes italiens. Les données biographiques qu’on a voulu tirer des deux vidas qui le concernent sont hypothétiques6.

Notes

1. « poème de quarante à soixante vers environ, répartis en strophes (coblas) de six à dix vers, et terminé généralement par un envoi (tornada) qui répète par les rimes et la mélodie la fin de la dernière strophe. Le nombre des strophes ne doit pas dépasser six. Toutes sont construites de la même façon. Les vers peuvent être de longueur différente. Le schéma métrique et l’agencement des rimes souvent complexes, doivent en principe être originaux, comme la musique. » (Michel Zink, Littérature française du Moyen âge, Paris, 1992 (Premier cycle), p. 107.)

2. Geneviève Hasehnor, Les recueils lyriques, dans Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, sous la direction de Henri-Jean Martin et Jean Vezin, Paris, 1990, p. 329-333, à la p. 329.

3.

la vida, comme vie brève, est destinée à donner à un ensemble de cansos, désignées comme étant d’un même troubadour, l’unité d’une vie entièrement éclairée par l’amour.
Jacques Roubaud, La fleur inverse. Essai sur l’art formel des troubadours, Paris, 1986, p. 194)

4. François Zufferey, Recherches linguistiques sur les chansonniers provençaux, Genève, Droz, 1987 (Publications romanes et françaises, 176), p. 64

5. Les chansons de Perdigon éditées par H. J. Chaytor, Paris, 1926 (Classiques français du Moyen âge, 53)

6. Ernest Hoepffner, La biographie de Perdigon, dans Romania, t. 53, 1927, p. 343-364.