Introduction des cours Dossiers documentaires Bibliographies
1157, 9 octobre. Concession en fief d'une maison Ă  Saint-Hippolyte
Notice   •   Fac-similé interactif   •   Texte et traduction  •  Commentaire paléographique•  Commentaire diplomatique
Dossier 9
  1. Caractères externes
  2. Caractères internes

Essai

Le discours diplomatique est très simple, Économe : une rapide invocation, une rapide notification, et l'on entre de plain-pied dans un dispositif qui, de façon usuelle dans ce genre de document, souple et pliable è de multiples usages sociaux, reproduit un dialogue oè chacune des deux parties è tour de rêle prend la parole, une parole simplement (mais avec beaucoup d'art et beaucoup de formulaire) couchÉe sur le parchemin. Ce moule, commun è la production du haut Moyen Age dont la forme est encore conservÉe dans le sud de la France au XIIe siècle, avec d'insensibles adaptations, est d'autant plus sensible que l'on est ici face è une convenientia, type parfait de l'acte "synallagmatique", qui met les deux parties sur un pied d'ÉgalitÉ, è responsabilitÉ Égale (elles sont d'ailleurs considÉrÉes, dans les souscriptions, comme co-auteurs : "[nous quatre] qui faisons cet accord et cette donation entre nous").

Cette forme est parfaitement adaptÉe au fond ; même avec des disparitÉs sociales et/ou politiques (qu'elle peut masquer plus ou moins parfaitement), elle traduit l'Échange, la circulation du don/contre-don (l'acte est formulÉ comme une donation), du "fief", entendu de façon encore assez large : donnÉ è perpÉtuitÉ, ce "cadeau qui oblige" implique en contrepartie une fidÉlitÉ. Rien de figÉ : on est ici au moment prÉcis oè, sans être formulÉe dans le moule rigide du droit fÉodal savant, la fidÉlitÉ, promise (pas d'allusion è un serment, mais è un simple engagement, convenimus, encore moins d'allusion è un "hommage"), n'est plus seulement nÉgative (ne pas porter tort, ne pas attaquer...) ; mais elle est encore de contenu vague et largement "dÉfensive" (dÉfendre contre les ennemis) : elle n'est pas forcÉment inefficace, c'est plutôt que le rÉdacteur ni ses clients n'Éprouvent pas (pas encore) le besoin de prÉciser davantage le complexe de "services" qui est fixÉ par la coutume.

En conclusion, l'acte est une parfaite illustration de l'art documentaire du XIIe siècle : l'Écrit, plus frÉquent, est encore d'usage pÉriodique ; les affaires assez importantes (ce que montre par exemple la garantie implicite que l'on va demander è l'Évêque d'Elne) suscitent, même è un niveau non princier, une mise en forme graphique soignÉe, sinon raffinÉe. Du strict point de vue diplomatique, la grille d'analyse classique des "modes de validation" est un peu en porte-è-faux : l'autoritÉ locale et le savoir du rÉdacteur, le respect de vieilles recettes de prÉsentation, la vivacitÉ de la parole, le poids social des tÉmoins concourent autant que les signes graphiques (la forme chirographaire, nouveautÉ relative ; les très traditionnelles rÉcognitions) è la validitÉ globale de l'acte.