De ista ora inantea, ego Ylisiarius
de Salve, filius de Stephana, a te Guilelma vicecomitissa que
fuist moller de Bernardo Aton, tant quant tenras la sennoria del
castel de la Arena, et ad aquel eres que auras d’en Bernart Aton, de
qual tu es preinz, lo castel de Berniz non vos tolrai ne vos en
tolrai ipsas fortedas que hodie ibi
sunt ni adenant factas i erunt per nomen de castel ; et si om
vel femina aquest castel suprascripti vos tollia o.s en tollia, ab aquel o
ab aquella o ab aquels o ab aquellas finem ne societatem cum illo vel cum illisnon
auria, fors quant per lo castel a recobrar. Et si
recobrar eu lo potuero, per nullum
ingenium a te vicecomitissa o a l’eres que auras d’en Bernart
d’Aton lo redrai sine lucro et sine
decepcione, per ipsa conveniencia, per fidem et sine inganno, per hec sancta
evangelia.
Hoc est factum in presencia Ugonis de
Brodito, Petri Guirardi, Pontii de Vedenobrio, Raimundi de Brodito,
Guillelmi Raimundi, Stephani Signerii, Petri Aldeberti, Pontii
Raimundi, Bernardi Raimundi, Guillelmi Sancti Johannis, Guilelmi de
Calmis, Bernardi Maliani, Bertrandi de Anglata, Guillelmi Fulconis,
majoris et minoris, Bernardi de Clarenciaco, Petri Arnaldi. Hoc fuit
factum in castro de Arenis.
Le trait le plus éclatant de la langue du document, très commun pour son époque et son type, est le balancement entre latin et langue d’oc, qu’il faut examiner non en termes d’incapacité à tout exprimer en latin, mais comme un système pertinent jouant de la complémentarité des deux registres. On peut pour ce faire mettre en opposition les emplois des deux langues, non sans quelque incertitude puisque certains groupes peuvent finalement relever de l’une ou l’autre : dans “filius de Stephana”, “filius” est certainement latin, mais “de Stephana” peut aussi bien être aussi bien occitan que renvoyer à une tournure latine évoluée, plaquant des flexions latines sur un bâti vulgaire.
Latin sûr
Malgré ces incertitudes, la conclusion s’impose. L’opposition entre les deux alinéas est profonde : le vernaculaire est employé dans la première moitié de l’acte exclusivement, avant la souscription des témoins, ce qui peut paraître d’autant plus surprenant étant donnée la présence de très nombreux anthroponymes dans le second paragraphe : le rédacteur a éprouvé ici le besoin d’une latinisation systématique, alors que les anthroponymes dans le premier alinéa balancent entre latin et occitan. Dans le second alinéa, l’utilisation du latin sert donc à solenniser la souscription ; avec la date de lieu, elle fait pleinement partie de l’eschatocole, très diplomatique, lié à la validation de l’acte.
Un examen même superficiel de l’occitan montre que la langue utilisée est formée et ferme, et l’on en dirait autant du latin, fonctionnel et correct. Le balancement des deux langues obéit donc bien à une volonté délibérée : le latin légitime l’acte écrit et solennise la cérémonie, la notation en vernaculaire correspond au cœur même du serment et, avec un effet de réel plus ou moins décalé, fait entendre les mots mêmes de l’engagement, actif dès son énonciation. Vernaculaire farci, au reste, auquel la marquetterie de mots latins confère une tonalité juridique.