Introduction des cours Dossiers documentaires Bibliographies
1115. Notice monastique
Notice   •   Fac-similé interactif   •   Texte et traduction•  Commentaire diplomatique
Dossier 70

Le « nous » désigne bien évidemment la communauté monastique de Marmoutier, qui a entièrement capté la rédaction du document, une pure « notice », typique des XIe-XIIe siècles, fort pratiquée à Marmoutier, où le rédacteur collectif s’adresse à ses successeurs à l’intérieur de l’abbaye. Même soumis aux contraintes inhérentes à un genre spécifique d’écriture, la notice offre une multitude de perspectives, de notations connexes (comme ici le « rachat » du douaire au beau-fils) que s’autorisent rarement les acte traditionnels, d’où sa capacité de séduction pour le lecteur. Mais l’on aurait tort de prendre les notices pour de simples memoranda. Leur charge d’authenticité, souvent reforcée par la souscription autographe de l’auteur de l’action juridique, tient pour une bonne part à la production puis à la conservation du parchemin au sein même de l’abbaye : un système diplomatique à la fois fécond, clos et vérouillé par le haut niveau culturel et sacré de l’auteur, qui explique le mélange de solennité et de rapidité dans la préparation matérielle.

La date exprimée n’est pas celle de l’écriture du document, mais celle de l’action, la seule qui compte vraiment. Que l’action soit rapportée au passé, que même l’on parle à l’imparfait d’un témoin (« Adelelmus de Bellomonte, qui erat forestarius ») ne veut pas dire pour autant que la mise par écrit ne soit pas contemporaine : c’est plutôt le rédacteur qui se projette dans le futur, devant les successeurs (« posteritas ») qu’il veut instruire. L’autographie très probable (en tout cas apparente) de la croix montre bien que l’écrit a été composé assez vite, puis présenté à Bertrade (au reste morte peu de temps après). Mais il faut noter en sens inverse que le rédacteur primitif n’en a pas préparé la légende (« Signum… ») : la validation apparaît par raccrot, comme subrepticement.

La composition de la liste de témoins, occasion fréquente de classer son monde, offre elle aussi un indice intéressant : elle oppose moines (premier groupe) et laïques (deux groupes suivants), eux-mêmes témoins (et donc garants) pour l’une et l’autre des parties, la reine et « nous ». Elle met donc les moines dans une position doublement prééminente, parce qu’ils sont cités en premier mais aussi, si l’on peut dire, hors de la mêlée, alors qu’ils sont aussi bénéficiaires du don et impliqués dans sa mise par écrit : ici comme là, ils se donnent le rôle d’autorité.