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1255, 29 avril (1255, 25 mai). Mandement Ă©piscopal (Reims) (1255, vidimus)
Notice   •   Fac-similé interactif   •   Texte et traduction•  Commentaire diplomatique
Dossier 72

Le document est un acte d’un genre fort classique, appartenant à cette catégorie dont le XIIIe siècle a connu l’essor : l’acte d’officialité ecclésiastique, en lien direct avec le développement de l’institution, précoce du reste à Reims où le premier official de l’archevêque est attesté en 1170.

Il présente toutefois la particularité d’être, en quelque sorte, une mise en abîme diplomatique, car il reproduit en son sein le mandement de l’archevêque de Reims, relatif à la levée de la taille par la commune. Cette duplicité implique qu’il faudra mener séparément deux analyses, sans toutefois se refuser à examiner la nature des liens qui peuvent exister entre les deux actes.

De rapides recherches prosopogaphiques permettent de cerner le rôle de chacun et les enjeux qui en découlent. L’auteur de l’acte est l’official de l’archidiacre Ottobono Fieschi, connu pour être rival de l’archevêque. Cette rivalité s’est répercutée entre les officialités des deux personnages, ne faisant que s’inscrire dans une tradition qui a toujours vu l’officialité du grand archidiacre disputer à celle de l’archevêque la juridiction grâcieuse de la ville.

L’official est l’auteur d’une action fort simple, à la limite non juridique, puisqu’il se contente, sobrement et sans commentaire, de diffuser un mandement dont ni lui, ni l’archidiacre dont il dépend, ne sont les auteurs.

Le document est donc marqué par des traits propres à une partie des actes du XIIIe siècle, relatifs au formulaire, au vocabulaire, à l’écriture singulière qui témoigne des expérimentations que tracent les plumes des officialités de cette époque. Clarté et précision sous-tendent le discours, objectifs qui ne sont pas toujours atteints tant à cause de la cursivité des lettres que du style des phrases.

Le mandement épiscopal est plus lourd encore de sous-entendus. Un temps réconcilié avec la commune de Reims, l’archevêque s’empresse d’aider celle-ci en contraignant ses ouailles à s’acquitter de l’imposition extraordinaire que, à l’instar d’un seigneur, la commune entend lever « à Reims » (sans doute la ville et sa banlieue, hors les immunités ecclésiastiques). Pour ce faire, il met à la disposition des échevins l’appareil de gestion qui quadrille le diocèse (doyennés et paroisses) et l’arsenal des sanctions spirituelles et judiciaires (excommunication, suspension de l’office, procès devant sa cour), selon une procédure très commune, qui peut aussi bien se retourner contre les autorités civiles en cas de conflit. L’intervention, par sa couverture géographique et sa force pénale, est évidemment infiniment précieuse à la commune, qui pourra atteindre les non-Rémois possessionnés en ville, et brandir de lourdes menaces, qui d’ailleurs commencent à s’émousser tant on abuse alors de l’excommunication.

Les formes diplomatiques, dans leur efficacité, accompagnent cette intervention : le mandement, précis et cassant, de l’archevêque ouvre la voie aux expérimentations princières (le « mandamus precipientes » va devenir un leitmotiv des mandements royaux) ; l’officialité archidiaconale, avec une grande économie de moyens, offre sa plume pour dupliquer (et du coup avaliser ?), dans une urgence toute relative, le mandement archiépiscopal. Elle a sans doute été choisie pour relayer l’ordre, sous couvert de l’autorité d’un archidiacre jaloux de ses prérogatives.

À travers ces deux actes très modestes et un peu obscurs se dessinent donc avec des traits nets les cadres institutionnels et humains du diocèse, la configuration complexe et mouvante des relations entre les divers pouvoirs — une fois encore saisis sous le regard et avec les mots des hommes d’Église.