Introduction des cours Dossiers documentaires Bibliographies
[1177, juin-1189 juillet]. Acte royal (Angleterre)
Notice   •   Fac-similé interactif   •   Texte et traduction•  Commentaire diplomatique
Dossier 83

Le style de cette charte royale anglaise, très « administratif », est représentatif de l’ensemble de la production de chartes de donation et de confirmation dans la seconde moitié du XIIe siècle chez les Plantagenet, période où les chartes du roi de France sont encore très rhétoriques, même si elles tendent à s’alléger et à devenir plus techniques, précisément sous l’influence anglo-angevine. Ici, point de préambule ni d’invocation trinitaire, mais un latin limpide, précis, uniforme, des formules typées et efficaces, qui s’ordonnent et s’enchaînent sans heurt selon un schéma attendu. Cette apparente sécheresse n’empêche pourtant pas les effets rhétoriques, dans les énumérations, invariablement scandées par des et ou par de simples juxtapositions, de la titulature (quatre titres) à la liste de témoins organisée dans un ordre hiérarchique (trois ecclésiastiques, trois laïques), en passant par l’adresse collective (onze catégories de personnes censées faire ou laisser appliquer l’acte), ou par la définition de la plénitude des droits (trois groupes de deux adverbes, bene et in pace, libere et quiete, integre et plenarie), ou encore par la formule de pertinence (six groupes de deux ou trois mots ouverts par in : in bosco et plano, in pratis et pascuis...).

La suscription fait apparaître la titulature complète d’Henri II, roi d’Angleterre, duc de Normandie, duc d’Aquitaine, et comte d’Anjou. Ce n’est qu’à la toute fin du siècle que le titre « rex Anglie » remplace le « rex Anglorum », dans les chartes anglaises, et plus précisément dans les actes de Jean sans Terre. On peut noter la présence de la formule de légitimation « Dei gratia », qui serait apparue dans les actes d’Henri II à partir des années 1172-1173, selon Léopold Delisle.

Le dispositif est précis, efficace, scandé des verbes et formules habituels dans les actes de donation ou confirmation : sciatis me dedisse… et presenti carta confirmasse, quare volo et firmiter precipio, concedo etiam. Après une suscription objective, la parole royale se fait véhémente en passant à la première personne (du singulier : Richard Cœur-de-Lion le premier adoptera le « nous » de majesté). La pénétration de l’esprit juridique se lit dans le soin mis à la définition des droits et à l’usage du mot rationabiliter, qui abonde aussi à la chancellerie pontificale. Les bénéficiaires lui accordaient visiblement une grande importance, puisque L. Delisle rapporte le cas d’un acte renvoyé à la chancellerie par son destinataire afin que le mot, omis, soit ajouté au dispositif.

Très traditionnellement, l’acte ne porte pas de date (elle n’apparaît que sous Richard Cœur-de-Lion) et ne peut être daté que d’après le croisement de plusieurs indices, à commencer par la carrière des témoins (ici la promotion de frère Roger et la mort du roi).